CM3 - LA GUERRE CIVILE AMERICAINE (1861-1865)
Publié le 9 Septembre 2014
[Library of Congress Prints and Photographs Division Washington, D.C. 20540 USA voir une sélection d'images appartenant aux collections de la Library of Congress]
CHRONOLOGIE
- 1860
6 novembre : élection d’Abraham Lincoln à la présidence
20 décembre : sécession de la Caroline du Sud
- 1861
9 février : création des États confédérés d’Amérique.
12-13 avril : canonnade de Fort Sumter
21 juillet : première bataille Bull Run (Virginie)
1er novembre : McClellan est nommé général en chef des armées de l'Union
- 1862
Mars-juillet : campagne de McClellan en Virginie
1er juin : Robert Lee prend le commandement de l'armée confédérée.
25 juin-1er juillet : Lee contraint McClellan à se replier au terme de la bataille des Sept jours
29 juillet : prise de la Nouvelle-Orléans
29-30 août : seconde bataille de Bull Run
17 septembre : Antietam (Maryland)
- 1863
1er janvier : proclamation d’émancipation
1er-4 mai : bataille de Chancellorsville
1er-3 juillet : bataille de Gettysburg (Pennsylvanie)
4 juillet : prise de Vicksburg (Mississippi)
23-25 novembre : bataille de Chattanooga (Tennessee)
- 1864
Mai-juin : campagne de Grant en Virginie
2 septembre : prise d’Atlanta
8 novembre : réélection d’Abraham Lincoln
15 novembre-21 décembre : Sherman entame la « marche vers la mer » en direction de Savannah (atteinte le 22 décembre).
- 1865
9 avril : reddition de Lee à Appomatox (Virginie)
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LE PLAN DU COURS
Les États-Unis en 1860.
I. LA MARCHE VERS LA GUERRE.
- La marche à la guerre.
- Les forces en présence.
- La grande illusion d'une guerre courte.
II. LE TEMPS DES INCERTITUDES.
- La campagne de l’est.
- Le théâtre de l’ouest.
- La guerre sur mer.
A lire : Robert Lee et Ulysse Grant
III. L’AGONIE DE LA CONFEDERATION ET LE TRIOMPHE DE L'UNION.
- Le tournant de l’été 1863 : Gettysburg [The Battle of Gettysburg : view the battle map ; images of battlefield ; a brief history - civilwar.org].
- La campagne de l’ouest.
- La destruction du Sud et le triomphe de l'Union.
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LES CARTES
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ENTRETIEN
Historien militaire, Vincent Bernard a publié une biographie remarquée de Robert E. Lee chez Perrin. Il a accepté de répondre à mes questions.
- Quelle formation Lee a-t-il reçu Lee ?
La formation reine de l'époque : quatre années à l'académie militaire fédérale de West Point. Il s'agit avant tout à l'époque d'une formation d'ingénieur sur un modèle inspiré de Polytechnique. Les officiers les mieux notés ont vocation à participer aux grands travaux civils d'aménagement dans un pays encore pionnier. Évidemment, cet aspect se double d'une formation militaire largement basée sur des écrits en français, en particulier Jomini. Napoléon et la France sont alors les références militaires absolues aux États-Unis.
- Quel élève était-il à West Point ?
A la fois brillant, studieux, très discipliné mais aussi bon camarade, sans arrogance ni rigidité affectée. Il n'est cependant jamais tout à fait en tête de classe, mais parmi les tout premiers dans l'ensemble des matières. Lee est d'une extrême régularité et son passage, très remarqué, fera figure de modèle. Il dirigera d'ailleurs quelques années l'institution dans les années 1850. Au cours de son passage, il ne mérite pas le moindre blâme (demerit) en quatre ans ce qui relève de l'exploit, non pas unique mais rarissime. Pour sa dernière année (1828-1829), Lee est nommé adjudant de bataillon, « figure dominante de l'école » résume un cadet de première année, et sort vice-major de sa promotion.
- Quelle carrière accomplit-il dans l'armée des Etats-Unis avant 1861 ?
Plus de trente ans d'une carrière à la fois tout à fait honorable mais de bien des façons assez frustrante et terne. Il aborde d'ailleurs sa carrière militaire beaucoup plus comme un devoir (sa famille est ruinée et il doit soulager sa mère malade) que comme une véritable vocation. Comme la plupart des têtes de classe, il opte pour le corps des ingénieurs topographes et connaît des affectations variées, essentiellement tournées vers la construction de fortifications côtières sur la côte Est (le fort Monroe en Virginie notamment) ou des travaux de génie civil dans l'Ouest (l'aménagement du port de Saint-Louis ou l'établissement du tracé de la frontière Ohio – Michigan par exemple).
Comme les promotions sont très lentes dans la minuscule armée américaine où la limite d'âge n'existe pas, Lee montre une fréquente lassitude et paraît souvent tenté de démissionner, comme le font énormément de Westpointers de l'époque, pour tenter une vie de « gentleman farmer ». C'est d'autant plus vrai que le fréquent éloignement familial (il aura sept enfants) lui pèse et qu'il ne sait pas ou ne veut pas jouer le « jeu politique » qui lui permettrait peut-être d'obtenir plus.
En 1855, après avoir dirigé West Point (poste qu'il n'apprécie pas d'ailleurs et nomme un « nid de serpent », apparemment du fait des coteries et pressions politiques qui y ont court), il demande ou en tout cas accepte sans sourciller de changer d'arme et de passer dans la cavalerie pour accélérer sa carrière. Bien qu'ayant fait fonction de colonel « par brevet » depuis ses exploits au Mexique et passant pour l'un des meilleurs officiers de sa génération, il n'est encore officiellement que capitaine de l'US Army, à 48 ans ! Il saute alors un grade pour être promu directement lieutenant colonel, commandant en second d'un régiment de cavalerie. Affecté au Texas, il se frotte brièvement à la fameuse « frontière indienne » et aux tribus Comanches, mais sans grande passion là non plus.
Lorsque éclate la guerre civile au printemps 1861, on le promeut colonel à la tête de son propre régiment et Lincoln lui fait même discrètement proposer le commandement de la principale armée fédérale assortie des étoiles de général. C'est à ce moment que, mis au pied du mur, il choisit de démissionner pour rejoindre son état natal de Virginie avec le destin que l'on sait. A l'été 1861, il est l'un des cinq généraux « pleins » nommés pour conduire l'Armée confédérée.
- En quoi la guerre du Mexique marque-t-elle un tournant dans sa carrière ?
A plusieurs niveaux. Professionnellement, il y découvre de nombreux aspects pratiques de la guerre : les contraintes d'une expédition lointaine, la guerre de siège, la bataille rangée et même les débarquements amphibies... Difficile d'avoir une expérience de terrain plus complète et variée ! Sans oublier qu'il y « voit l'éléphant » comme disent les Américains, et sort marqué comme de nombreux officiers professionnels écœurés d'avoir perdu tant de camarades et de la façon dont leurs efforts sont instrumentalisés par le jeu politique. Il prononce même dans une de ses lettre le mot « suicide » pour montrer le désespoir de nombre de ses pairs du manque de reconnaissance du pays, d'autant que l'irruption massive d'officiers « politiques » brevetés éclipse largement le rôle des officiers professionnels.
Sur un plan plus positif et tactique, il apprend au Mexique à ne pas se laisser impressionner par la rumeur et le brouillard de guerre, s'éclairer beaucoup, personnellement, encore et toujours, grâce à une série de missions extrêmement osées et utiles, qui jouent un rôle décisif dans plusieurs victoires américaines jusqu'à l'entrée triomphale à Mexico. Il gagne surtout en interne une réputation inégalée qui lui vaut en quelques semaines un brevet de major, de lieutenant-colonel puis de colonel. Le général Scott qui le prend sous son aile pour l'expédition de Vera Cruz dira de lui qu'il est alors le « meilleur soldat américain vivant », rien de moins. Après le Mexique, il a passé quarante ans, est une valeur sûre, une étoile montante de l'Armée, mais sans pour autant bénéficier d'une ascension fulgurante. Moins bien noté, son camarade Joseph E. Jonhston reçoit ainsi un brevet de général de brigade bien avant la guerre ; lui non. Le temps de paix ramène avec lui avant tout la routine et une forme de lassitude.
- Y a-t-il un style de commandement Lee ?
Si l'on devait résumer un « style Lee » en quelques mots, ce serait à mon sens son exemplarité constante, sa diplomatie (envers ses subordonnés, au point qu'il lui est parfois reproché de manquer de « poigne »), sa capacité à déléguer, et surtout son extraordinaire self-control très rarement pris en défaut (en dépit de quelques colères homériques mais passagères) ; ce trait de caractère lui avait valu dès West Point le surnom d'homme « de marbre ».
Comme commandant d'armée, il considère en principe son rôle comme celui d'un chef d'orchestre devant avant tout organiser, garantir la cohésion et le moral, s'assurer de bonnes lignes d'opération et articuler ses forces pour qu'elles puissent être concentrées au lieu et au moment choisi. Une fois cela fait, il sait se reposer totalement sur les subordonnés qui ont sa confiance (Stonewall Jackson et James Longstreet tout particulièrement). Mais il sait aussi et à l'inverse « materner » si nécessaire ceux qui n'ont pas assez d'expérience en leur donnant des directives très précises. Bref, il sait évaluer les hommes et adapter son style de commandement en conséquence, au moins après les premières expériences malheureuses de 1861. A de multiples reprises, il agit même personnellement et directement sur le champ de bataille. On le verra partir en reconnaissance, diriger le feu d'une batterie, amener une brigade sur le front, voire faire mine de la conduire lui-même à l'assaut (avant d'être renvoyé presque manu militari vers l'arrière par ses subordonnés).
Bien que pétri de préjugés très « aristocratiques », son attitude envers ses hommes, tant officiers que soldats est en outre tout à fait remarquable, sans morgue, ostentation ni mépris. Il parle de ses officiers comme ses « camarades » ou ses « frères », conserve un mode de vie spartiate et professe ouvertement respect et admiration envers le simple troupier qui se bat par devoir sans rien avoir à espérer en retour (bien qu'il soit assez impitoyable avec les déserteurs). Ses soldats se sentent tout à la fois proches de lui et pourtant le révèrent comme une figure lointaine, paternelle et intouchable. Pour un Sudiste, Lee est l'exemple parfait du « gentleman virginien », sans l'arrogance qui en est souvent le corollaire mais avec une dignité et une distinction qui imposent d'elles-mêmes le respect. Lui-même livrera un des secrets de son calme légendaire : s'autoriser une promenade quotidienne à cheval pour se « vider l'esprit » en toutes circonstances.
- Quelles sont les principales caractéristiques qui ont fait de lui un chef talentueux ?
Comme je l'expliquais plus haut, sa personnalité même est à mon sens un élément absolument central de son talent. Il a su par son comportement unir, souder et donner une grande confiance en elle-même - et en lui - à l'armée de Virginie du Nord. A cela s'ajoute une grande rigueur dans l'organisation et le travail, une valorisation précoce des fortifications de campagne et un coup d’œil sûr. Il a également une grande capacité d'anticipation et d'adaptation à ses différents adversaires qu'il associe à une capacité certaine à prendre de grands risques à certains moments critiques. Bien sûr certaines de ces qualités peuvent se transformer en défauts en fonction des circonstances. A Chancellorsville, à un contre deux, il prend tous les risques, ose diviser son armée plusieurs fois et finalement paralyse littéralement celle de son adversaire et remporte une grande bien qu'incomplète victoire. A Gettysburg au contraire, il pèche par excès de confiance. Il est trop sûr de lui et de ses troupes, pense l'armée fédérale harassée, fragile et en proie au doute (elle a accumulé les défaites et vient de changer pour la énième fois de commandant). Il risque le tout pour le tout sur une attaque quasi-suicidaire qui se solde par un désastre (la fameuse « charge de Pickett ») en dépit des conseils de prudence multipliés de son premier lieutenant Longstreet.
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EN COMPLEMENT
- Bibliographie
Farid Ameur, La guerre de Sécession, Paris, PUF, 2004.
Farid Ameur, Gettysburg (1er-3 juillet), Paris, Tallandier, 2014.
Vincent Bernard, Robert E. Lee, Paris, Perrin, 2014
Bruce Catton, La Guerre de Sécession, Paris, Payot, 2002.
D.J. Eicher, The Longest Night. A Military History of the Civil War, New-York, Simon and Schuster, 2001
André Kaspi, La Guerre de Sécession. Les États désunis, Paris, Gallimard, 1992
J. McPherson, La guerre de Sécession (1861-1865), Paris, Robert Laffont, 1991
- Témoignages
Ambrose Bierce, Tales of War, Paris, Pocket, 2014
- Littérature
Stephen Crane, La conquête du courage, Paris, Gallimard, 1982
- Film et documentaire
Gods and generals de Ronald F. Maxwell (2001).
Gods and Generals [extrait]